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Visiteurs à Spa

Les « Grandes villes d’eaux
d’Europe » inscrites au
Patrimoine mondial
de l’Unesco


par MURIEL COLLART et DANIEL DROIXHE

Avec Bad Ems (Allemagne), Baden-Baden (Allemagne), Bad Kissingen (Allemagne), Baden bei Wien (Autriche), Vichy (France), Montecatini Terme (Italie), Bath (Royaume-Uni), Franzensbad (Tchéquie), Karlovy Vary (Tchéquie), et Marienbad (Tchéquie), Spa fait désormais partie des « Grandes villes d’eaux d’Europe » inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Rendue publique le 24 juillet 2021, cette décision a été prise lors de la 44e session du Comité du patrimoine mondial (Fuzhou, en Chine, 16–31 juillet)[1]. Au cours de la même session, le même jour, le Comité a inscrit quatre autres sites culturels : l’Aire culturelle de Ḥimā (Arabie saoudite), le Phare de Cordouan (France), la Mathildenhöhe à Darmstadt (Allemagne) et les Cycles de fresques du XIVe siècle à Padoue (Italie).

En élevant les « Grandes villes d’eaux d’Europe » au rang de patrimoine mondial de l’UNESCO, le Comité reconnaissait, et ce n’est ni anodin ni banal, un site transnational.

Le Comité a considéré que le projet satisfaisait aux critères ii [2] et iii[3] de la liste de sélection qui en compte dix. Selon son communiqué, ces 11 villes situées dans sept pays européens « témoignent de la culture thermale européenne internationale qui s’est développée du début du XVIIIe siècle aux années 1930 ». Ainsi ont émergé « de grandes stations internationales qui ont influencé la typologie urbaine autour d’ensembles de bâtiments thermaux tels que les kurhaus et les kursaal (bâtiments et salles dédiés à la cure), les salles de pompage, les halls des sources, les colonnades et les galeries, conçues pour exploiter les ressources naturelles en eau minérale et les utiliser pour les bains et les cures d’eau thermale ». « Les équipements comprennent des jardins, des salons de réunion, des casinos, des théâtres, des hôtels et villas, ainsi que les infrastructures de soutien spécifiques aux stations thermales. Ces ensembles sont tous intégrés dans un contexte urbain global caractérisé par un environnement thérapeutique et récréatif soigneusement géré dans un paysage pittoresque. Ces sites témoignent collectivement de l’échange d’idées et d’influences dans le cadre du développement de la médecine, des sciences et de la balnéothérapie[4]. »

En organisant un colloque international sur « Spa, carrefour de l’Europe des Lumières » (Spa, 25 et 26 septembre 2012), la Société wallonne d’étude du 18e siècle s’était donnée pour programme de remettre en évidence et en contexte le séjour qu’effectuèrent dans la cité thermale diverses têtes couronnées – Gustave III de Suède, Joseph II, le prince de Ligne – ou des personnalités appartenant à l’aristocratie et à la haute administration. L’entreprise devait ainsi inscrire sous les feux d’une recherche approfondie des figures connues ou moins familières telles que la marquise de Coigny, la comtesse de Boufflers, la princesse de Guéménée, gouvernante des Enfants de France, le duc d’Orléans, Necker, Bertin ou Hamilton. Une attention particulière fut notamment accordée aux curistes anglais.

Un autre objectif du colloque visait le rôle joué par l’accueil de la ville d’eaux aux acteurs du monde des arts, de la littérature et de la science. Si l’historiographie locale a privilégié des figures comme celles de Marmontel, Fabre d’Eglantine ou Grétry, bien d’autres noms d’artistes attirent l’attention. Certains sont célèbres, comme Fragonard, mais d’autres étaient tombés dans un relatif oubli, comme « Monsieur Ketterlin, peintre en minatures », ou les musiciens Albanse, Kotswara, Durand, ou encore « Mademoiselle Florville, attachée à l’Académie Royale de Musique de Paris ».

Le colloque abordait également, à travers la question de la répartition de l’espace urbain, la sociologie des regroupements de curistes et la manière dont a pu opérer une sociabilité mondaine et concurrentielle qu’articulent les lieux de plaisir et de jeux. Le « modèle touristique » spadois, tel qu’illustré par le Barry Lyndon de Stanley Kubrick, gagne à être comparé à celui des autres villes d’eaux élues au Patrimoine mondial de l’humanité. Il serait souhaitable que le colloque international de 2012, organisé pour une large part dans le cadre de l’Université de Liège, connaisse un prolongement scientifique et institutionnel. Divers champs d’enquête restent largement ouverts. L’afflux des curistes anglo-saxons parfois très impliqués dans le développement de la Révolution américaine offre une considérable matière d’investigation exigeant à la fois la collaboration des meilleurs spécialistes et une conception organisationnelle à la mesure du sujet. En une dizaine d’années, depuis le colloque de Spa, les approches et procédures d’étude de l’objet historique ont connu d’importantes mutations exigeant un traitement informatique inédit. Professionnels et amateurs sont conviés à ces nouvelles rencontres. Les actes du colloque ont paru sous la direction de Muriel Collart et de Daniel Droixhe aux éditions Hermann (Paris) en septembre 2013 : https://www.editions-hermann.fr/livre/9782705687533


NOTES

[1] Spa rejoint ainsi les 13 biens situés en Belgique qui figurent déjà sur la liste de l’Unesco : les Beffrois de Belgique et de France (1999, 2005), les Béguinages flamands (1998), la Cathédrale Notre-Dame de Tournai (2000), le Complexe Maison-Ateliers-Musée Plantin-Moretus (2005), les Habitations majeures de l'architecte Victor Horta (Bruxelles) (2000), l’Œuvre architecturale de Le Corbusier, une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne (2016), la Grand-Place de Bruxelles (1998), le centre historique de Bruges (2000), les quatre ascenseurs du canal du Centre et leur site, La Louvière et Le Roeulx (Hainaut) (1998), les Minières néolithiques de silex de Spiennes (Mons) (2000), le Palais Stoclet (2009), les Sites miniers majeurs de Wallonie (2012) et les Forêts primaires et anciennes de hêtres des Carpates et d’autres régions d’Europe (2007, 2011, 2017).
[2] « témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ».
[3] « apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue» .
[4] https://whc.unesco.org/fr/list/1613/



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