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Compte rendu de la journée
d’Étude « raconter la maladie
au 18
e siècle »

Daniel Droixhe a participé à la journée d’étude internationale « Raconter la maladie au 18e siècle », organisée par Sophie Vasset (Univ. Paris Diderot-Paris 7) et Alexandre Wenger (Univ. de Fribourg et de Genève), qui s’est tenue le 28 et 29 novembre à l’UFR de Médecine Paris-Diderot, site Villemin (salle du Conseil). Cette manifestation réunissait des spécialistes de la pathographie au 18e siècle en vue d’un prochain numéro thématique de la revue Dix-Huitième Siècle consacré à « Raconter la maladie ». Chaque séance se composait de trois communications brèves suivies de discussions portant sur des aspects méthodologiques tels que la « définition des outils analytiques », la « délimitation du corpus des sources », etc.

D. Droixhe est intervenu à propos des exposés de Joël Coste (Univ. Paris Descartes), Lucia Aschauer (Ruhr-Universität Bochum) et Alessandra Doria (Univ. Milano).

J. Coste considérait un vaste recueil de mémoires de consultations médicales s’étendant du 16e au 19e siècle, à partir des études de narratologie de Propp, Genette, Hamon, Jouve, etc.  L’étude portait notamment sur la distribution des récits en fonction de la distinction entre : narrateur homodiégétique (quand le médecin intervient directement dans le récit à la première personne, sans figurer nécessairement en tant que personnage de la diégèse, en raison de son statut d’observateur)  et narrateur hétérodiégétique (quand il n’intervient pas directement dans le récit par une prise de parole personnelle — sans pouvoir être considéré comme narrateur intradiégétique). La question a été posée de savoir quelle était la part du dialogique ou de l’anamnèse dans la relation du médecin au malade et à personnages accompagnant celui-ci.  On pourrait avoir l’impression que l’enquête sur la découverte de la maladie, ainsi que les diverses tentatives de traitement et leurs éventuels échecs, occupent davantage de place dans les récits de consultations dus à des médecins allemands comme ceux officiant à l’hôpital berlinois de la Charité, par rapport aux consultations présentées au 18e siècle par le Journal de médecine. En d’autres termes, la « tension narrative » liée aux « complications actionnelles » des traitements paraît supérieure quand le narrateur homodiégétique exprime/expose davantage ses interrogations médicales ou quand il est confronté aux interventions rapportées par d’autres narrateurs hétérodiégétiques (par ex. les infirmières ou sages-femmes).

Des Observations et réflexions sur un accouchement, parues dans le Journal de médecine en 1772 (37, p. 62-71), faisaient l’objet d’une autre approche narratologique, très rigoureuse, due à L. Aschauer. Celle-ci nous autorise à reproduire le projet de l’étude qu’elle compte donner au prochain numéro thématique de la revue Dix-Huitième Siècle.  « L'observation clinique, telle qu'elle figure dans la littérature médicale française du 18e siècle, reste un genre textuel peu étudié. Pourtant, l'observation joue un rôle décisif dans ce que Michel Foucault a décrit dans la Naissance de la clinique (1963) : l'établissement progressif de la médecine hospitalière à partir de la fin du 18e siècle. Dans le processus de transition d'une médecine humorale et classificatoire à la “ clinique ”, l'observation devient l'instrument de choix pour la représentation de phénomènes pathologiques. Son succès est d'autant plus remarquable si on considère les tensions épistémologiques inhérentes au genre. L'observation raconte certes un cas particulier, mais tend toujours aussi vers le général. Elle aspire à une parfaite objectivité scientifique, mais doit inéluctablement recourir à des procédés rhétoriques, voire littéraires. Étudier le genre textuel de l'observation revient ainsi à questionner les conditions de production du savoir à un moment charnière de l'histoire de la médecine. Je propose d'examiner ces questions à l'aide d'une sélection d'observations obstétricales issues du  Journal de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, etc., publié entre 1754 et 1822. Rédigées par des médecins et chirurgiens à une période de transition dans l'histoire de l'obstétrique, alors que de nouveaux acteurs et techniques défient les pratiques établies, les études de cas racontent des grossesses et accouchements hors norme. Je souhaiterais d'une part définir plus précisément le genre textuel de l'observation comme celle-ci se présente dans la seconde moitié du 18e siècle, et d'autre part analyser en détail le rôle de cette mise en récit particulière dans l'établissement conflictuel d'un nouveau savoir obstétrical. »

S’est posée la question de savoir comment  « l’autorité narrative » revendiquée par le médecin, se trouve confrontée au discours de la sage-femme, élément de relance de la « tension narrative » évoquée plus haut.

A. Doria présentait une intéressante communication intitulée « Raconter les maladies de la continence : le vrai/faux cas de l’abbé Blanchet ». D. Droixhe a posé la question de savoir si l’accumulation séminale accompagnant la continence absolue n’avait pas été mise en rapport avec la théorie de l’accumulation humorale, cause ordinaire du scirrhus ou du cancer (du sein chez la femme, par engorgement laiteux, ou des organes génitaux, chez l’homme).  Voir  Jean Astruc, Traité des tumeurs et des ulcères, 1759 (cf. Didier Foucault, « Deux Toulousains des Lumières face au cancer : Jean Astruc et Bertrand Bécane », in Lutter contre le cancer (1740-1960), éd.  Didier Foucault. Toulouse : Privat, 2012, p. 49-73). Si la liaison n’est pas constatée dans la littérature relative au « cas Blanchet », on note dans l’article « Continence » de l’Encyclopédie méthodique. Médecine, par Nicolas Chambon (Paris, Panckoucke, t. V, 1792, p. 102), à propos des « désastres » produits par une « inertie des organes » : « Mais que devient une femme qui résiste à tant d’orages ? Souvent une épilepsie symptomatique crée une maladie habituelle; le dérangement du cerveau conduit à la folie. L’embarras des viscères du bas-ventre rend une autre mélancolique ; de la mélancolie naissent les obstructions, les squirres, le scorbut, l’hydropysie, etc. Voilà donc les fruits de la continence. » Le cas de l’abbé Blanchet n’est pas sans rappeler celui dont fait état le Journal de médecine de janvier 1758, quand il rapporte une Observation sur un homme qui s’est fait l’opération de la castration sans accident fâcheux ; par M. Maistral, Médecin des Hôpitaux à Quimper (VIII, p. 268-72). La littérature relative à l’abbé Blanchet fut adressée à d’Alembert, Buffon  et Voltaire ; le manuscrit communiqué à ce dernier, annoté, a suscité une opportune intervention due à Christophe Paillard, du Musée Voltaire.

D. Droixhe a par ailleurs attiré l’attention d’A. Doria sur l’intérêt qu’offrait l’Index de l’Esprit des journaux réalisé par M. Collart (voir sur ce site), concernant la réception d’une œuvre dont traitait notamment la communication. La Physique du corps humain de Jean Saury (1778) fait en effet l’objet d’un article dans l’Esprit des journaux, qui renvoie utilement aux comptes rendus du Journal des savants, de la Gazette de santé, du Journal encyclopédique, du Journal de Paris, du Mercure de France et de la Gazette universelle de littérature.

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